C’est notre
première nuit à Øyer,
Avec Anna et Øyvind,
nous avions réparti et fait les chambres,
Les autres
arrivant, nous avions alors exploré la maison et pris nos repères
Je crois bien ne
pas me tromper en disant que nous étions tous saisis par la beauté du lieu et
du moment.
Retrouvailles,
menus bavardages, découverte des cadeaux, étonnement…
Tout le monde
avait l’air heureux et très ému.
Comme il y avait des élections municipales ce jour-là à Øyer, Øyvind est allé voter
Les autres
l’emporteront mais on s’y attendait, Utoya oblige…
Anna avait alors
préparé le repas
Puis nous avions
dîné à la lumière des chandelles d’une soupe de champignons à la crème
Minutieusement
observés, choisis, cueillis, séchés
Immergés dans la
soupe et longtemps malaxés jusqu’à la consistance recherchée…
Mona avait été
épatée, admirative, s’agitant autour d’Anna, posant mille questions,
Heureuse
d’apprendre quelque chose de typiquement norvégien …
Elle avait
insisté pour en avoir la recette et Anna lui avait patiemment expliqué comment
faire.
Les champignons,
c’est plus qu’un rituel ici,
Un rythme de vie
lié au désir de vivre ensemble, aux changements naturels et au passage du temps
Sans oublier la
nécessité d’apprendre à distinguer le bon champignon de celui qui est toxique
Impératif absolu
sous peine de désastre annoncé…
Je ne me souviens
plus de ce qu’il y avait d’autre sur la grande table
J’étais un peu
fatiguée, un peu dans un nuage, ensommeillée aussi,
Le feu ronflait
doucement dans la cheminée
Les bougies… il y
en avait partout
Toutes blanches,
Dans des
bougeoirs, porte cierges et chandeliers de toutes les tailles
Certains
raffinés, d’autres très simples, pas un n’était ordinaire…
Comme tous les
Norvégiens Øyvind aime recevoir à la lueur des bougies
Une pratique qui
ramenait l’ombre de Beyrouth à la mémoire,
Le temps de la
guerre, de la rue d’Amérique, du quotidien agité et difficile
Un temps toujours
présent jamais révolu…
Avec Øyvind, on
l’évoquait souvent quand il revenait nous voir à Beyrouth
Il fait partie de
nous, irrémédiablement.
Les échanges
étaient faciles, légers et simples.
Auparavant, la
vaisselle avait été faite, séchée et rangée
Parfois accrochée
à des patères en bois,
Non pas des
poêles ou des casseroles
Mais de belles
tasses et chopes qui portaient la signature de céramistes norvégiens.
Pas de vaisselle
qui reste en plan sur l’évier ici
Øyvind a ses
habitudes et puis il est obstiné…
Il avait
fallu la sécher et tout ranger à sa place initiale …
La grande table
était désertée, vide
Silencieux les
fourneaux, casseroles, couverts, assiettes et verres.
Les bougies
brûlaient toujours
Pas de cire qui
coule, rien que des flammes hautes et claires
Anna disait que
c’est parce qu’elles sont faites d’une matière autre que la paraffine ou la
cire. Aujourd’hui, je ne me souviens plus du nom de cette matière…
Kjettil était
passé peu après pour nous rencontrer et reconduire Anna chez eux.
C’est son
compagnon et je crois qu’il s’était senti totalement étranger à notre être
ensemble,
Exclu en quelque
sorte,
Peut-être en trop
aussi ...
Une rencontre un
peu prématurée, maladroite et ratée finalement,
Comme toutes les
choses non pensées et trop rapidement expédiées.
Anna en avait été
tiraillée, comme surprise, et assez triste, ça se voyait sur son visage
pensif.
A son arrivée,
elle était assise dans l’un des fauteuils profonds qui encadrent la cheminée,
Brodant des
motifs de bienvenue avec du fil de soie rouge sur de grosses chaussettes de
laine beige,
Elle en avait
apprêté deux paires, une pour Mona et l’autre pour moi, au cas où nous aurions
froid en ce temps tout à fait imprévisible
Brodées et
données les chaussettes…
Il lui
avait fallu partir.
Quant à Kjettil…
Nous ne l’avons
plus revu après ce soir-là.
Et lorsqu’il lui arriva de passer chez Øyvind par la suite pour récupérer Anna au bout de la journée, seul le pinceau des phares de la voiture, allumés et obstinément immobiles, signalait sa présence. Anna allait alors le rejoindre peu après.
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