Samedi - LØRDAG
Nous voilà arrivés au jour J de l’atelier de calligraphie arabe et de la causerie
sur le Printemps arabe, l’événement qui, entre autres motivations plus
individuelles, nous a tous mobilisés et réunis dans la demeure d’Øyvind.
Depuis le matin, la maison résonne de mille et un bruits.
Tout le monde s’est levé tôt et dès
huit heures, nous étions tous habillés et fin prêts, installés autour de la
table de la cuisine pour un petit déjeuner rapide.
Øyvind était partout, très affairé. Outre l’atelier de calligraphie et la
causerie autour du Printemps arabe, il avait prévu de recevoir à déjeuner tous
les participants à cette journée de rencontre, d’où beaucoup de préparatifs de
logistique alimentaire de dernière minute. Il avait également invité un jeune
couple de musiciens bien connus dans la région, une violoniste et un accordéoniste
qui s’étaient engagés à jouer des morceaux de musique traditionnelle et
folklorique norvégienne.
Autour de la maison, il y a une agitation grandissante, des voitures qui
arrivent, des portières qui claquent, des pas rapides qui foulent le gravier.
On entend des va-et-vient continus devant la maison et sous les fenêtres de
la cuisine, des voix rieuses qui fusent, elles parlent norvégien, bien sûr … Ceux-là sont nos apprentis calligraphes, des amoureux de la culture arabe
et islamique qui se présentent, nombreux. Finalement ils seront une trentaine de curieux à vouloir être initiés à
l’art de la calligraphie et à discuter des perspectives des révolutions arabes,
une majorité de femmes d’origines ethniques et nationales diversifiées, des
Scandinaves, bien sûr, Norvégiennes, Suédoises, Danoises et Finlandaises mais
aussi des Baltes et quelques Afghanes, Pakistanaises et Arabes.
في مسألة
الخط العربي
La calligraphie
arabe…
Comme chacun sait, le mot calligraphie vient du grec Kallos, qui
signifie beauté, et de Graphein, qui signifie écrire.
La calligraphie c'est l'art de la belle écriture, l'art de bien former les lettres
de l’alphabet. Tout le monde s’entend pour dire que c’est un art magique lié
non seulement à la technique, l'habileté du maître, mais aussi à sa
personnalité spirituelle et morale.
Comment
comprendre l’art de la calligraphie arabe…
Telle est la question que Samir entend exposer aujourd’hui
Tant du point de vue de l’émergence et de la raison d’être de cette forme
d’activité artistique, historiquement et philosophiquement
Que du point de vue de l’apprentissage pratique de l’art d’écrire, de
l’attitude ombrageuse et décourageante du maître calligraphe ainsi que ses
multiples mises à l’épreuve et de la voie qu’un apprenti calligraphe se doit de
suivre le temps de son apprentissage.
De plus, l’interdiction par l'Islam de représenter des figures humaines a
conduit les Arabes à développer de manière très riche et diversifiée la
calligraphie pour exalter la parole de Dieu.
L’apprenti calligraphe, raconte Samir à un public toute ouïe, doit être
déterminé et obstiné des années durant, le temps pour le maître de mettre à
l’épreuve sa détermination et le sérieux de son désir d’apprendre. La voie
qu’il devra suivre sera pleine d’embûches et de frustrations. Longtemps, il ne
rencontrera que dédain et sourde oreille. Le maître refusera de lui répondre, de
lui ouvrir la porte, n’en aura que faire de son insistance, ne lui accordera
aucune confiance… Il lui faudra donc persister dans son désir d’apprendre
auprès du maître et de vivre dans son ombre, quémander humblement le privilège
de le servir, refuser de se laisser gagner par le découragement et le
désespoir, ne pas se laisser entraîner à renoncer et à abandonner...
Samir raconte le difficile chemin de l’apprenti calligraphe en arabe, à un
auditoire attentif qui ne comprend pas cette langue mais qui se passionne de
toute évidence pour le destin de notre amoureux de la calligraphie.
Mona traduit simultanément en anglais, le plus fidèlement possible ;
Michel et moi aussi, lorsqu’elle bute sur une expression, cherche la
formulation appropriée et se tourne vers nous pour demander conseil.
Parfois Samir intervient aussi et, fait qui ne manque pas de surprendre vu
qu’il dit ne pas connaître l’anglais, reprend et corrige ce qui lui semble
erroné dans la traduction donnée par Mona d’une idée qu’il vient d’énoncer.
Maintenant que notre séjour tire à sa fin, j’ai la conviction que Samir,
s’il continue de refuser de s’exprimer en anglais, n’en est pas moins capable
de comprendre cette langue. Je crois que ce qu’il aime surtout, c’est écouter,
se construire un point de vue et garder le silence.Peut-être que c’est de cette manière qu’il parvient à sauvegarder sa
liberté, à se rendre plus libre vis-à-vis du monde extérieur et de lui-même
aussi.
Pourquoi la calligraphie ? Samir a alors brièvement présenté
l’histoire de la calligraphie.
A l’origine, la calligraphie est considérée comme un art enseigné
par Dieu à l'homme. Par essence, elle est
un moyen de l'honorer.
Vers le VIIIe siècle,
la connaissance de la fabrication du papier permit l'essor d'un véritable art
du livre. Et c’est d’abord et surtout les versets du Coran que l’on
calligraphie. Dans leurs premiers textes, les calligraphes firent usage d'une écriture
coufique, « penchée » et rigide, puis, vers la fin du Xe siècle, les lettres deviennent
de plus en plus décoratives.
Le cursif remplacera le coufique vers le XIIe siècle :
les lettres étaient alors devenues plus souples, les compositions plus savantes
et les décors abstraits plus envahissants.
Depuis lors, les Corans n'ont jamais cessé d'être richement décorés.
Samir ayant terminé sa présentation, tous les participants ont reçu un
matériel de calligraphie individuel – papiers, crayons pastel, stylos à encre
de chine, etc. – et se sont efforcés d’apprendre à écrire leurs noms en arabe à
côté de leurs noms en caractères latins ; et ça marchait très bien dans l’agitation
générale, la participation de tous et un tapage indescriptible…
L’une des suédoises était tellement douée et écrivait si bien qu’Ebba lui
dit très sérieusement : « Tu dois avoir un arabe en toi »… Tout le monde a beaucoup ri, peut-être à
cause du double sens de la réflexion…
Quand la séance s’est finalement achevée, chacun était en possession, en
plus de ses propres exercices, d’une planche portant son nom en arabe que Samir
avait calligraphiée, datée et signée.
J’imagine qu’on se souvient mieux des choses du passé quand on a un témoin
ou un marqueur des activités entreprises en ce temps-là.
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