mercredi 3 octobre 2012

Ainsi de suite jusqu'à la nuit tombée...


C’est notre première nuit à Øyer,
Avec Anna et Øyvind, nous avions réparti et fait les chambres,
Les autres arrivant,  nous avions alors exploré la maison et pris nos repères
Je crois bien ne pas me tromper en disant que nous étions tous saisis par la beauté du lieu et du moment.
Retrouvailles, menus bavardages, découverte des cadeaux, étonnement…
Tout le monde avait l’air heureux et très ému.

Comme il y avait des élections municipales ce jour-là à Øyer, Øyvind est allé voter
Les autres l’emporteront mais on s’y attendait, Utoya oblige…  
Anna avait alors préparé le repas
Puis nous avions dîné à la lumière des chandelles d’une soupe de champignons à la crème
Minutieusement observés, choisis, cueillis, séchés
Immergés dans la soupe et longtemps malaxés jusqu’à la consistance recherchée…
Mona avait été épatée, admirative, s’agitant autour d’Anna, posant mille questions,
Heureuse d’apprendre quelque chose de typiquement norvégien …
Elle avait insisté pour en avoir la recette et Anna lui avait patiemment expliqué comment faire.
Les champignons, c’est plus qu’un rituel ici,
Un rythme de vie lié au désir de vivre ensemble, aux changements naturels et au passage du temps
Sans oublier la nécessité d’apprendre à distinguer le bon champignon de celui qui est toxique
Impératif absolu sous peine de désastre annoncé…

Je ne me souviens plus de ce qu’il y avait d’autre sur la grande table
J’étais un peu fatiguée, un peu dans un nuage, ensommeillée aussi,
Le feu ronflait doucement dans la cheminée
Les bougies… il y en avait partout
Toutes blanches,
Dans des bougeoirs, porte cierges et chandeliers de toutes les tailles
Certains raffinés, d’autres très simples, pas un n’était ordinaire…
Comme tous les Norvégiens Øyvind aime recevoir à la lueur des bougies
Une pratique qui ramenait l’ombre de Beyrouth à la mémoire,
Le temps de la guerre, de la rue d’Amérique, du quotidien agité et difficile
Un temps toujours présent jamais révolu…
Avec Øyvind, on l’évoquait souvent quand il revenait nous voir à Beyrouth
Il fait partie de nous, irrémédiablement.
Les échanges étaient faciles, légers et simples.
Auparavant, la vaisselle avait été faite, séchée et rangée
Parfois accrochée à des patères en bois,
Non pas des poêles ou des casseroles
Mais de belles tasses et chopes qui portaient la signature de céramistes norvégiens.  
Pas de vaisselle qui reste en plan sur l’évier ici
Øyvind a ses habitudes et puis il est obstiné…
Il avait fallu  la sécher et  tout ranger à sa place initiale …
La grande table était désertée, vide
Silencieux les fourneaux, casseroles, couverts, assiettes et verres.
Les bougies brûlaient toujours
Pas de cire qui coule, rien que des flammes hautes et claires
Anna disait que c’est parce qu’elles sont faites d’une matière autre que la paraffine ou la cire. Aujourd’hui, je ne me souviens plus du nom de cette matière…
Kjettil était passé peu après pour nous rencontrer et reconduire Anna chez eux.
C’est son compagnon et je crois qu’il s’était senti totalement étranger à notre être ensemble,
Exclu en quelque sorte,
Peut-être en trop aussi ...  
Une rencontre un peu prématurée, maladroite et ratée finalement,
Comme toutes les choses non pensées et trop rapidement expédiées.
Anna en avait été tiraillée, comme surprise,  et assez triste, ça se voyait sur son visage pensif.
A son arrivée, elle était assise dans l’un des fauteuils profonds qui encadrent la cheminée,
Brodant des motifs de bienvenue avec du fil de soie rouge sur de grosses chaussettes de laine beige,
Elle en avait apprêté deux paires, une pour Mona et l’autre pour moi, au cas où nous aurions froid en ce temps tout à fait imprévisible   
Brodées et données les chaussettes…
Il lui  avait fallu partir.
Quant à Kjettil…
Nous ne l’avons plus revu après ce soir-là. 

Et lorsqu’il lui arriva de passer chez Øyvind par la suite pour récupérer Anna au bout de la journée, seul le pinceau des phares de la voiture, allumés et obstinément immobiles, signalait sa présence. Anna allait alors le rejoindre peu après.

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